Au sommet, le soleil

+1250m / -1250m / 17km

C’est la mi-juin et il fait chaud. J’ai préparé quelques éléments pour une ascension du Mont Fuji fin août. Les histoires de lever de soleil au sommet m’ont donné une idée : gravir le Bunagatake de nuit (après l’avoir découvert cet hiver), à la fraîche, voir le lever de soleil, et redescendre avant que le mercure ne remonte.

En posant un jour de congé un vendredi, je peux partir un jeudi soir, finir tranquillement le lendemain et récupérer les deux jours suivants. Le plan parfait.

Le jeudi soir en question tombe aujourd’hui. Je passe chez Montbell après le boulot prendre une clochette. Il n’y a pas d’ours dans le coin à priori, mais bon.. si ça peut éloigner les autres animaux nocturnes, ce n’est pas plus mal. Je prépare mon sac et je vais prendre l’un des derniers trains pour la gare de Hira.

Je commence vers 0h30. Je reconnais les alentours de la gare et la plaine malgré l’obscurité. Je passe les dernières maisons et je laisse l’éclairage public derrière moi. Je n’ai bientôt plus que la lumière de ma frontale. Et encore, je l’ai mise en mode faible pour économiser la batterie. C’est très silencieux. En arrivant dans la forêt, la lueur des étoiles disparaît à son tour. Je vois une paire d’yeux brillants entre les troncs. Impossible de savoir ce que c’est. Mes yeux s’habituent peu à peu à l’obscurité, mais à chaque fois que je vérifie l’itinéraire sur mon téléphone, l’écran me rend aveugle pour quelques dizaines de secondes.

Je m’arrête quelques minutes après un parking, au pied de la première montée sérieuse, pour boire un peu. Je cherche dans mon sac à tâtons. Je vérifie la durée d’utilisation nominale de ma frontale, et je la passe en puissance moyenne. Je regarde aux alentours, je ne vois rien là où la lampe n’éclaire pas. Et là où elle éclaire, je ne vois les troncs les plus proches et les premières branches. Tout ce qui est au-delà de 10~15m n’est qu’une masse sombre et informe. Bien entendu, je n’ai rencontré personne depuis 1h, lorsque j’ai quitté la gare. Je suis absolument seul. Ma clochette s’étant tue, j’entends des bruits que je n’arrive pas à identifier. Je m’imagine en panne de lumière sur la montagne : il faudrait que j’attende le jour plusieurs heures. La fatigue de la journée me rattrape. L’obscurité se fait oppressante. J’ai un peu les miquettes. J’hésite à abandonner. Quelle super idée cette rando !

Mais de toute façon, les lumières de la “ville” sont déjà loin, je resterais dans le noir pour un bon moment même si je m’en retournais. Et je me dis que, jusqu’à présent, je n’ai pas eu de problème. Je décide donc de continuer, pour “voir”.

Le chemin s’enfonce davantage dans la forêt et suit un torrent. Le bruit assourdissant des cascades que je ne vois pas me donne le vertige. À les entendre, elles semblent immenses. Mais peu à peu, le chemin devient plus pentu et technique, et je dois me concentrer sur mes appuis. Rapidement, je fais abstraction de ce qui m’entoure. A la pause suivante dans une clairière, je me sens serein et à l’aise dans cet environnement. Je prends le temps de manger une banane, de regarder le ciel étoilé. Et je me remets en route.

Je râte une intersection mais le reste de la montée se passe bien. Les premières lueurs du jour arrivent enfin vers 3h30 alors que je sors de la forêt. J’avais beau m’être habitué à la nuit, je me sentais enfermé dans une bulle, incapable de voir à plus de quelques mètres. Distinguer quelque chose au loin fait un bien fou.

J’atteins le sommet vers 4h10. Ici aussi, il n’y a personne. Le soleil se montre 20 minutes après. Je prends quelques photos, je mange un morceau et je repars.

La descente est agréable et sans encombre. Je passe devant quelques tentes posées près d’une mare. Finalement je n’étais pas complètement seul dans la montagne. La dernière partie s’éternise. Je croise quelques randonneurs qui montent. Je refais une pause à l’endroit où j’avais hésité à l’aller. Il y a maintenant quelques voitures garées sur le parking et d’autres marcheurs qui se préparent.

Je rejoins enfin la gare de Hira. Je fais 200m de plus pour voir les rives du lac Biwa et je prends le train un peu après 9h00.

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